lundi 26 mars 2007

Ne ratez pas Absolute Wilson!



Absolute Wilson est un film documentaire de Katharine Otto-Bernstein, en hommage à Robert Wilson, un metteur en scène Américain des plus talentueux, comprenant de multiples interviews de Wilson, et de ses partenaires, des extraits de spectacles contemporains, des flash backs sur ses origines et son évolution, ses diverses activités. (on y verra Susan Sontag, William S.Burroughs, David Byrne, Phil Glass, Jessye Norman, Tom Waits, Charles Fabius, et sa soeur, Suzann Wilson).


"C'est un film sur une vie bien remplie, et l'art en fait partie. Ce n'est pas un film sur l'art dont la vie ne serait qu'un élément".
Il s'agit d'un portrait vivant et provoquant de l'un des metteurs en scène les plus avant-gardistes de notre époque. Ce film le présente comme un homme entier, sincère qui parle pour une fois de sa vie aisément et sans retenue.
Son bégaiement et son enfance solitaire au Texas. Il se sentait comme un étranger dans un monde dirigé par l'église Baptiste, sa menace d'excommunication et sa ségrégation raciale quotidienne. Entre une mère lointaine et un père (maire de Waco, Texas) à l'ambition déchue, il se sent très seul;
son amitié avec un enfant noir, issu d'une famille ouvrière et avec lequel il assiste au culte Gospel dont il apprécie l'esprit éminemment positif, mais aussi une relation qu'il doit cacher à tout prix;
La rencontre importante est celle de Byrd Hoffman, une prof de danse qui lui dit "tu devrais essayer de tout faire plus lentement". En effet non seulement son bégaiement s'améliore, mais la notion de ralentissement (au sens littéral et métaphorique) va s'inscrire durablement dans sa conception particulière et son langage théâtral.
Après des études de droit ratées, il se lance dans des études d'architecture à l'institut de Pratt. Il découvre son homosexualité, ce qui provoque un conflit avec son père (celui-ci considère que c'est une maladie virale que l'on doit pouvoir guérir).
Il quitte le Texas et part pour New York, avec une fascination pour l'effervescence culturelle qui s'y est installée au cours des années 60/70. L'univers du design, de la danse, du théâtre, la rencontre avec Merce Cunningham et John Cage mettent la machine en route.
A travers le documentaire, on découvre également le travail thérapeutique entrepris par Wilson avec des enfants hyperactifs. Ces expériences prouvent qu'un travail en Art Thérapie peut profondément influencer les relations du langage et du mouvement.
On voit aussi l'adoption d'un enfant noir, sourd, Raymond Andrews, qui lui inspire la réalisation de "Deafman Glance" (le Regard du sourd), un opéra de 7 heures silencieuses, dans lequel le visuel tient donc toute la place. Son premier grand spectacle, au demeurant encensé par Louis Aragon, dans une de ses lettres à André Breton. On peut donc qualifier cette oeuvre de surréaliste.
Suivront de nombreuses autres pièces, dont l'une des plus impressionnantes est "Ka Montaigne and Guardenia Terrace", un spectacle de 7 jours joué dans les montagnes Iraniennes, au prix de la santé de la plupart des membres de la troupe et de Wilson lui-même.
Enfin vient "Einstein on the beach" dont je parle dans le post sur la musique répétitive, l'un de travaux les plus renommés, pour lequel il collabore avec un autre illuminé, Philip Glass.


Et l'on assiste à son échec dans l'énorme projet multinational "Civil Wars" programmé pour les J.O. de Los Angeles en 1984. A cause d'un retrait de fonds de la commission olympique, il n' a jamais pu voir sa pièce jouée en entier.
A travers de multiples épreuves, il s'est façonné son propre univers artistique et esthétique en travaillant sur des opéras et des pièces de théâtre de grande renommée. Il travaille toujours plus comme un chorégraphe que comme un metteur en scène classique, par l'importance majeure qu'il donne aux mouvements et déplacements scéniques.
Une citation: "Quelquefois vous vous demandez "qu'est-ce que je devrais faire après"? vous essayez de penser "qu'est-ce je dois faire?" mais assez souvent vous devriez penser "qu'est-ce que je ne dois pas faire? pourquoi ne le ferais-je pas?" et c'est çà que vous choisissez"

des extraits vidéos sur allocine.com: Vidéo 1 Vidéo 2 Vidéo 3
et sur le site commeaucinema, 7 extraits disponibles:
Franchement, si vous aimez le théâtre et la musique contemporains, n'hésitez pas, c'est un vrai régal...dommage qu'une fois de plus, ce film ne soit sorti que dans deux salles art et essai à Paris, c'est un peu fort quand même! peut-être aurons-nous la chance de le revoir sur Arte un de ces jours...en attendant, profitez de ces vidéos. A plus!

dimanche 18 mars 2007

le trip hop




Ce genre se rattache à l'Ere de la Techno, qui signe une nouvelle façon de faire de la musique.

Le D.J. qui ne faisait que passer des disques devient le guide discret et précieux d'un univers sonore nouveau.
Des amateurs découvrent qu'ils peuvent aussi utiliser des platines pour exprimer leur sensibilité artistique et la faire partager, sans pour autant savoir jouer d'un instrument.
L'équipement de base: les platines et des vinyles, une petite table de mixage.
La qualité du mix dépend alors du talent, de la culture et de l'inventivité du D.J...
Les platines deviennent de plus en plus performantes et c'est l'avènement du HOME STUDIO: un "joujou extraordinaire".
Aux platines viennent rapidement s'ajouter une boîte à rythmes, un synthétiseur, et surtout un logiciel informatique (le séquenceur) qui permet de transformer un ordinateur en un studio de créativité et d'enregistrement efficace.
Au pays de la musique électronique de chambre, le roi des instruments s'appellera sampler (échantillonneur).
Les platines peuvent isoler des échantillons sonores, mais pas les stocker. Avec un échantillonneur, on peut se constituer une banque de sons illimitée: séquences musicales (lignes de basse, rythmes brésiliens, style japonais ou africain, thèmes de Jazz, breaks de batterie, chant tibétain, envolées le cordes, musiques de films, bruitages divers, comme des bruits de train, des chants de baleines, des bruits industriels, etc, des génériques ou jingles, un discours politique, ou des dialogues de cinéma...)
Le tout dans un format numérique qui permet de retravailler les sons, de faire varier la hauteur, le rythme, le tempo, ou de les mettre en boucle pour les réutiliser de façon différente. Une vraie caverne d'Ali Baba!
Le sampler est un instrument magique et terrifiant qui permet à chacun de réexplorer, remixer, piller, tout l'univers des sons enregistrés. Il est donc capable du pire et du meilleur.
La démocratisation du home studio permet à chacun de disposer d'outils de création musicale. Les musiciens électroniques récupèrent les vieilles machines, pour un coût modique. Ils disposent d'outils qui leur permettent de racourcir le chemin entre l'idée musicale et la réalisation dans une forme parfaitement aboutie et diffusable à grande échelle.

L'artiste Techno est à la fois compositeur, interprète, technicien et ingénieur du son.

A partir du début des années 90, la production de musiques électroniques grimpe en flèche et se diversifie en une multitude de styles. L'univers de la techno est un milieu autonome qui invente ses propres règles et ses réseaux de diffusion...fanzines, boutiques spécialisées, labels de production, structures de distribution, de promotion, soirées, émissions de radio, etc..

En 90 Steve Beckett, vendeur de disques Acid House fonde le label WARP et produit l'album de LFO, "Frequencies", vendu à 125 000 exemplaires!
Dans ce contexte d'autoproduction, l'Angleterre devient un vivier d'artistes et de labels indépendants, parmi lesquels Ninja Tunes. 2 D.J. créent une musique truffée de samples et de détournements de sons sous le nom de Coldcut. Pionniers de la House anglaise, ils s'en écartent bientôt pour explorer une formule plus originale, un mélange de Jazz, de Funk, de Hip Hop instrumental, et de sons synthétiques. Ils fondent leur label en 90. Depuis ils abritent une pléiade d'artistes inclassables et sortent des compilations très éclectiques.
Les vendeurs ne savent pas dans quelle catégorie les situer: mais la presse Anglaise va bientôt inventer un terme fourre-tout:
le TRIP HOP.

Le Trip Hop est une appellation dérivée de l'expression "Abstract Hip Hop", allusion aux nappes de synthétiseurs atmosphériques de certains morceaux.
En règle générale, le Trip Hop est une musique électronique répétitive, de tempo lent, dérivée donc de la House et du Hip Hop anglais (instrumental et expérimental).
Le son Trip Hop repose sur des boucles de Jazz, souvent extraites de vieux vinyles (samples de Rhodes piano, saxo, trompette et flûte).
La "patte" des D.J. est donc essentielle, une des trouvailles du Trip Hop étant de juxtaposer à une musique tournant sur une platine des éléments musicaux issus d'un autre disque sur une 2ème platine. Dans certains cas, d'ailleurs, c'est carrément du plagiat, et les labels surveillent de près les inspirations des groupes de Trip Hop.
Cette musique est profondément éclectique, expérimentale, un même morceau pouvant associer du scratch, façon Rap, des solos de violons, une mélodie de piano romantique, etc...(dons des sons électroniques et acoustiques, au contraire de la Techno). Les musiques symphoniques de films et l'Ambient (Brina Eno) font également partie des influences.
Il y a aussi l'Acid Jazz (un mélange de Funk et de Jazz). Au final, l'impression d'entendre un groupe jouer dans le noir, porté par des influences multiples et changeantes, tentant d'exprimer la poésie et le mystère de la vie.
Le but de la plupart des groupes de Trip Hop est de créer une musique planante, à l'aspect mélancolique et calme (avec parfois des moments plus animés), mais aussi de procurer une émotion transcendante en travaillant un côté innovant et expérimental. Le son est donc souvent riche, composé de nombreuses pistes superposées, mêlant voix, instrumnts et samples électroniques.
De nombreux sous-genres ont vu le jour: L'Acid Jazz, le Down Tempo, l'Electro Dub, l'Electro Jazz, l'Electro libre...


Petit lexique
ACID: sonorités aiguës, stridentes, caractéristiques du style Acid House très populaire en Angleterre à la fin des années 80.
AMBIENT: Musique planante basée sur la superposition de sons amples et synthétiques qui priment sur le rythme. Représentant principal: Brian Eno (cf minimalisme)
DUB: Versant expérimental et souvent instrumental du Reggae. Basse lourde et batterie mixées en avant, effets électroniques aériens. On parle de Novo Dub ou de Digital Dub quand il est entièrement électronique.
ECHANTILLONNEUR: appareil qui permet d'enregistrer des séquences sonores dans un format numérique. On peut ensuite les reproduire, les modifier, les mettre en boucle.
ELECTRONICA OU EXPERIMENTAL TECHNO: toute musique essentiellement électronique, expérimentale, issue de créateurs qui ne soucient pas forcément de faire danser.
HOUSE: matrice de la plupart des musiques électroniques de danse apparues à Chicago au milieu des années 80.
MIX ou SET: performance du D.J. qui enchaîne, superpose des morceaux pour créer un flot musical continu.
SAMPLER(cf échantillonneur)
SEQUENCEUR: appareil ou logiciel qui permet d'organiser une série de sons, de séquences musicales.
TECHNO: musique électronique instrumentale officiellement née à Detroit (USA) à la fin des années 80.
TRIP HOP: tempos calmes (dite aussi "Down Tempo", utilisation souvent immodérée du sampler pour créer des climats planants, émotionnels et souvent mélancoliques, vocaux inspirés du Blues, de la Soul, rythmes Hip Hop mais sous tranquillisants.
VINYLE: support favori des D.J., indispensable à un mix digne de ce nom. Les constructeurs proposent désormais des platines CD prévues pour mixer, mais leur utilisation reste limitée chez les professionnels. Le vinyle permet un contact sensuel avec le son et restitue les enregistrements de façon plus vivante: basses profondes, aigus scintillants.


Jeff Mills-Blue Potential-Pont Du Gard
"the bells", un morceau de Jeff Mills (sacré meilleur D.J. du monde) ou la rencontre des platines et de l'orchestre symphoniques où les cloches tubulaires ont une belle partition. je suis fan à mort, et vous?

les pionniers du trip hop: MASSIVE ATTACK

L'un des pionniers du Trip Hop est le groupe "Massive Attack", un trio Britannique issu des ghettos de Bristol fondé en 1987, constitué de "Mushroom" (Andrew Voles), "3-D" (Robert Del Naja), "Daddy G" (Grant Marshall) . Au départ certains sont membres du collectif rap "Wild Bunch" comprenant Nelle Hooper et Tricky (qui fera une carrière solo après la sortie de l'album "Mezzanine").

Le groupe se nomme "Massive Attack" lors de la préparation de leur premier album "Blue Lines", sorti en 1991, dans lequel le Trip Hop, le Reggae (Dub) et la soul forment un tout original. Atmosphères vaporeuses, mélodies aériennes, samples posés sur des beats plutôt lents, avec des passages faussement rapides à certains endroits). Chaque morceau nous transporte dans une nouvelle ambiance, les arrangements sont sobres, les samples judicieusement utilisés. On y trouve de bonnes reprises "Be thankful for what you've got" et "Unfinished Sympathy" (avec Shara Nelson), avec des cordes lascives, et une rythmique marquée mais down tempo.
les titres: Safe from harm / One Love / Blue Lines / Be thankful for what you've got / Five man army / Unfinished sympathy / Daydreaming / Lately / Hymn of the big wheel

"unfinished sympathy"
L' album suivant, "Protection" naît 3 ans plus tard (94), avec des changements dus en partie à l'arrivée de Nelle Hooper à la production. Le son est plus sophistiqué, grâce à des moyens techniques supplémentaires. des voix nouvelles aussi (Tracey Horn, Nicolette, et Horace Andy, issu du Reggae). On y retrouve la rythmique hip hop-dub mais épurée, des samples mais aussi des synthés discrets, l'émotion et simplicité. On y découvre des instrumentaux, contrairement à l'album précédent, en plus des chansons. A noter que la reprise des Doors, "light my fire", n'est pas nécessaire.
Les titres: Protection / Karmacoma / Three / Weather storm / Spying glass / Better things / Eurochild / Sly / Heat miser / Light my fire


Massive Attack - Sly

"Karmacoma"

"No protection", l'album suivant, est un remix datant de 95. Les Massive Attack s'associent à Mad Professor (Neal Fraser, spécialiste du Dub, qui a remixé d'autres groupes, de Reggae ausi bien que de techno, celui de "The Orb" notamment). L'univers de cet album est plus instrumental, il y a moins de voix, les sons originaux du groupe sont utilisés comme matière première pour créer de nouvelles mélodies. On y trouve des jeux sur l'écho et des sonorités plus ou moins électroniques, par exemple des violons de Craig Armstrong ou les percussions mises en valeur ("Bumper Ball Dub", remix de "Karmacoma"). Il comporte des remix de "Better Things" et de "Moving Dub" également. C'est donc un mélange de Trip Hop et de Dub, sympathique mais pas leur meilleur album.

Les titres: Radiation ruling the nation / Bumper ball Dub / Trinity Dub / Cool moonsoon / Eternal feedback / Moving dub / I spy / Backward sucking

Mon album préféré: "Mezzanine" date de 98. Le trio maintenant célébrissime fait encore une fois preuve d'originalité, en changeant presque complètement de style. Mezzanine est plus sombre, plus profond, avec des accents "gothiques". Les voix de Liz Frazer, ex chanteuse des Cocteau Twins, Sara Jay et toujours Horace Andy s'y intègrent merveilleusement. Une basse lancinante, hypnotique, une boîte à rythmes désenchantée, des violons discrets, un tempo très lent, traversé par la voix envoûtante d'Horace Andy. Seul "Teardrop" , "Group four", ou"exchange", apportent un peu de luminosité. On va vers une ambiance rock, avec les guitares. un sample de "Cure" sur "Man Next Door", permet d'entendre un autre aspect du talent d'Horace Andy.

les titres: Angel / Risingson / Tear drop / Inertia Creep / Exchange / Dissoved girl / Man next door / Black milk / Mezzanine / Group four / (exchange)

Massive Attack - Teardrop (féerique)

Massive Attack - Angel (fantômatique)

Mezzanine (le meilleur titre, mais bon, j'aime tout): un son unique.
Inertia Creeps (que du bonheur, une série d'événements qui se superposent progressivement, vers une tension pleine de retenue)
Bon, j'arrête, j'espère vous avoir convaincus de courir acheter cet album, qui cependant n'est pas le préféré du public, mais pour moi c'est le plus riche à tous les niveaux.
Des divergences musicales sont apparues dans le groupe au cours de l'enregistrement de l'album, entraînant le départ de certains membres.
L'album suivant, "100th window" voit le départ de Mushroom, de Daddy G, il reste 3D. Les sons synthétiques minimalistes, des riffs de guitare torturés et des boîtes à rythmes électroniques aux ryhtmiques martiales font suite aux breakbeats souples et aux samples de musique noire américaine du précédent album. Quelques cordes orientalisantes et une basse lancinante ajoutent un peu de lumière à une atmosphère glaciale. Les compositions sont toutefois moins bonnes que dans les autres opus, basses répétitives et voix de Sinead O'Connor plus proche du Rock. Les meilleurs titres sont "Future Proof"(un mélange d'electronica et de boucles rock minimalistes originales), et "special cases" (cordes envoûtantes et ton agressif, atmosphère mystique). Horace Andy est moins présent vocalement.
Les titres: Future proof / What your soul sings / Everywhen / Special cases / Butterfly caught / A prayer for England / Small time shot away / Name taken / Antistar
"Butterfly caught"
"Special cases"
"Future proof"
Massive Attack, toujourssans Mushroom, a enregistré en 2005 la B.O. de "Danny The Dog" de L.Leterrier. Une ambiance crépusculaire, avec des envolées de cordes sombres répétitives et étranges sur fond de loops synthétiques, de Dub lent, de mélodies tristes, de murmures déshumanisés. Massive Attack a par ailleurs créé sa propre maison de disque : Melankolic (qui a signé Craig Armstrong et Alpha).
Les sites intéressants sur le groupe: (discographie, paroles et traductions, vidéographie).
Le site Web officiel:

les pionniers du trip hop: PORTISHEAD

Portishead est l'un de mes groupes de Trip Hop préférés; c'est un autre groupe originaire de Bristol, fondé en 90, composé de Geoff Barrow (issu de "Portishead", petit port à 20 km de Bristol, d'où le nom du groupe, claviers, samples, batterie), de Beth Gibbons (chanteuse), d'Adrian Utley (guitariste), de Dave Mc Donald (samples, ingénieur du son, flûte) et de Clive Deamer (batterie en studio). C'est la rencontre en un jeune homme introverti et d'une jeune femme timide et un peu gauche, issue d'une famille d'agriculteurs de l'Exocet.
Geoff a déjà approché le Trip Hop, travaillant comme assistant technique de Massive Attack sur l'enregistrement de l'album "Blue Lines". Adrian et Beth ont plutôt côtoyé le Jazz et la Soul.
Ils composent d'abord la B.O. d'un court-métrage en noir et blanc (un hommage aux film d'espionnage) "To kill a dead man" dont on voit les extraits sur le clip "Sour times" (souvent surnommé "Nobody loves me".
Leur premier album "Dummy" voit le jour en 94. Album sombre, torturé, aux accents mélancoliques et étranges. Des rythmiques hip hop, des scratches, des grésillement de vieux vyniles reproduits artificiellement, des samples, de claviers "vintage" (Moog et Rhodes 70's), une atmosphère lourde, traînante, des textes sinueux et angoissés, une voix éraillée, pleine d'émotion retenue. C'est la cohabitation d'univers musicaux très divers, là aussi. Cependant cela donne un album homogène et surtout très original, avec une grande puissance émotionnelle.



Les titres: "Mysterons / Sour times / Strangers / It could be sweet / wandering stars / It's a fire / Numb / Roads / Pedestal / Biscuit / Glory box"


Portishead - Sour Time
"Faire semblant de ne pas saisir / les illusions de la toute matinale / fruit défendu, yeux masqués / ces politesses que je méprise en moi / vas-y, tu peux tirer maintenant / car personne ne m'aime c'est vrai / comme toi / qui sui-je et pourquoi? / car il ne me reste / que mes souvenirs / ces moments amers"

portishead - wandering star
"Pourrais-tu rester un peu / pour partager mon chagrin / etoiles vagabondes / pour ceux à qui est réservé / la noirceur de l'obscurité / pour toujours / ceux qui ont vu / le chas de l'aiguille erre désormais / comme une cosse dont le contenu serait envolé / comme les masques que portent les monstres / pour dévorer leurs proies / pliée de douleur à l'intérieur / il me faudra du temps / pour remiser mon chagrin"


portishead - glory box
"je suis fatiguée de jouer / avec ces arcs et ces flèches / je vais me débarasser de mon coeur / laisser les autres filles jouer avec / j'ai été trop longtemps une tentatrice / donne-moi une raison de t'aimer / donne-moi une raison d'être une femme / je veux juste être une femme"
Cette chanson reprend un sample de "Ike's rap II" d'Isaac Hayes, auteur compositeur Soul Américain.

Cet album fait un tabac en Europe, il est élu album de l'année et obtient le "Mercury Prize" en 95. Ce succès inattendu plonge le groupe dans l'angoisse. Comment faire mieux? les interviews les paralysent, et il faudra trois ans avant que le second opus voie le jour, car ils retravaillent sans cesse leur musique.

Le second album en 97 se nommera "Portishead". (Entre temps, en 98, le groupe enregistre un album "live" avec un orchestre symphonique de 35 musiciens à New York, qui met en valeur leur jeu scénique. Il est nommé "Roseland NYC" )
les titres: "Cowboys / All mine / Undenied / Half day closing / Over / Humming / Mourning air / Deven months / Only you / Elysium / Western eyes"
On y retrouve une ambiance lugubre, avec le Moog, le Rhodes, la voix fantômatique de Beth, côtoyant des cuivres, un violon, et d'autres voix. Les samples s'y font discrets, les rythmiques sont plus chaloupées, les influences évoluent. C'est un album plus expérimental, du Blues électronique grinçant.



"Half Day Closing" by Portishead (écoutez le voice coder, un traitement de la voix,époustouflant!)

"Personne ne voit donc / que nous avons une guerre à mener / nous n'avons jamais trouvé notre voie / quoi qu'ils en disent / d'où vient cette impression / que çà cloche à ce point? / ... / une tempête / dans la lumière du matin / je sens / je ne peux pas en dire plus / je suis coupée de moi-même / je n'ai personne à mes côtés / et ce n'est pas normal"
En 98, Beth Gibbons s'éloigne quelque temps (peur de s'enfermer?) et sort un album Jazz, "Out of season" en 2002 en duo avec Rustin Man (Paul Webb, ancien bassiste des "Talk Talk").
Un autre album de Portishead devait voir le jour en 2003, intitulé "Alien", mais les nouvelles sont rares, et l'on ne voit toujours pas apparaître le 3ème bijou tant attendu. Le groupe est apparu furtivement en 2007 à Bristol, interprétant notamment "Wandering stars" et une nouvelle chanson.
Le groupe n'a toutefois jamais cessé de travailler, collaborant à divers autres albums avec d'autres artistes. "Monsieur Gainsbourg Revisited" où Beth réinterprète "un jour comme un autre" renommé "Requiem for Anna". et la production aussi de"Invisible Invasion", de The Coral, un groupe anglais.
Une citation: "je ne tiens pas à être une pop star. Je ne veux pas être prise pour ce que je ne suis pas, pour quelqu'un de mystérieux ou d'intéressant. Je suis comme tout le monde"(Beth Gibbons).
Les lyrics du groupe: sur le site alwaysontherun
ou sur lyricscopy

vendredi 16 mars 2007

Les Compositeurs Russes

Le répertoire Russe de la musique pour Piano n'a trouvé son identité propre qu'à partir du milieu du XIXème siècle, époque du Romantisme. Il a été fortement influencé par l'Europe, et le nationalisme musical mis en lumière par de nombreux compositeurs.
En Russie la musique existe déjà, bien évidemment, mais elle est encore sous influence.

(La vie musicale de la Russie jusqu'au règne de Pierre le Grand est paralysée par les anathèmes dont l'eglise orthodoxe accable les instrumentistes et les chanteurs considérés comme des messagers de Satan. L'archevêque Cyrille II considère l'invasion des Tartares comme un châtiment divin tombé sur un peuple trop dévoué à la musique. Une condamnation ecclésiastique s'abat au XVIe siècle sur toute la musique profane et, au XVIIe siècle, fait brûler publiquement les instruments de musique . Cependant au XVIIIe siècle la musique fait son retour grâce aux Italiens et finit par intéresser la famille impériale au répertoire lyrique, qui leur confie la direction des théâtres et l'enseignement de la musique. Les Français les rejoindront à la fin du XVIIIe siècle, avec Monsigny et Philidor. La musique populaire Russe s'infiltre à nouveau dans les concerts, et sur l'initiative de la grande Catherine, des chorales se consacrent à sa diffusion. Le goût du folklore s'étend à la danse, et, au début du XIXe siècle, l'art musical Russe se trouve enfin en possession de ses moyens d'expression essentiels.)

La venue en Russie du compositeur John Field (l'inventeur du nocturne), qui s'y installe en 1803 comme professeur et concertiste, et y meurt en 1837 va laisser une marque profonde sur la musique du pays. Ses nocturnes et ses concertos remportent un franc succès.


Field Nocturne par Justine Verdier

D'autre part il va enseigner Mikhaïl Glinka (1804-1857), considéré comme le "père" de la musique russe. Celui-ci va affirmer ses tendances nationalistes à travers des oeuvres comme "Vie pour le Tsar" (1836) ou "Rouslan et Ludmila" (1842) d'après Pouchkine, mais aussi une petite pièce pour piano, "Polka Russe" qui montre le passage entre les références occidentales et le caractère national.

Suivront le Groupe des Cinq ( plutôt nationalistes) et Piotr Tchaïkovski (1840-1893, plutôt occidentaliste) mais il serait réducteur de ne considérer que ces deux partis.
Mili Balakirev (1837-1910) est aussi un personnage central de la vie musicale russe de cette période. Encore étudiant (études scientifiques), il présente à Glinka une "Fantaisie" sur l'oeuvre "Une vie pour le Tsar", qui l'encourage à poursuivre! Pour le piano il livrera la brillante fantaisie orientale "Islamey" (dada des jeunes participants aux concours de virtuosité), qui n'égale pourtant pas d'autres pièces comme la "Sonate en Si bémol" de 1905 ou les "Chants populaires russes" pour piano à 4 mains. Je vous poste quand même la vidéo d' "Islamey", interprétée par un jeune virtuose de 14 ans, Dimitri Sgouros en 1984. J'aime bien son interprétation, plus détendue, moins précipitée, que ce que l'on peut entendre en général, le thème est plus aisément perceptible.




A partir de 1856, apparaît donc, autour de Balakirev, le Groupe des Cinq constitué de César Cui (1835-1918), Modeste Moussorgski (1839-1881), puis Borodine (1834-1887), et enfin Nicolaï Rimski-Korsakov (1844-1908). Tous ces musiciens sont amateurs, et bien que Balakirev soutienne qu'il faut se mettre à composer sans avoir fait d'études préalables, ils ne resteront pas tous des amateurs.
Borodine est chimiste et médecin. Il partage sa vie entre science et art. Il n'a pas l'ambition de créer un style nouveau. Il écrit "Le Prince Igor" (contenant les fameuses "danses polovtsiennes") dans la tradition italienne. Son poème symphonique "Dans les steppes de l'Asie centrale", musique au parfum russe caractéristique. Dommage que son travail ne lui ait pas laissé assez de temps pour achever ses oeuvres.
Rimski Korsakov abandonne l'uniforme pour se consacrer à la musique, entreprend des études musicales, il écrira des oeuvres pour la scène, (opéra "La pskovitaine")des poèmes symphoniques ("Sadko", "Schéhérazade"), et de la musique de chambre.

En ce qui concerne la musique de piano, le compositeur le plus notable est Moussorgski:

il possède un langage personnel parfois incorrect mais très musical, avec des trouvailles harmoniques novatrices. Il est le pionnier du réalisme et du pathétique populaires. Il s'intéresse aux souffrances des humbles, ce qui donne à sa musique une vérité humaine bouleversante. Le chant est son mode d'expression préféré, mais on note aussi le tableau symphonique "Une nuit sur le mont chauve". On dit volontiers qu'il a influencé Ravel et Debussy. C'est en prenant les éléments les plus solides de son style dans les modes ecclésiastiques et les chants populaires de son pays qu'il a composé des oeuvres que tous aiment et comprennent sans effort.
L'oeuvre marquante pour le Piano est "Les tableaux d'une exposition", en 1874, en hommage au peintre Hartmann, un de ses amis disparu en 1873. Dans ses "Tableaux" règne une fabuleuse invention sonore, une forme d' "orchestration pianistique". Le piano y est exploité dans tout son potentiel expressif, conférant à sa musique une puissante force d'évocation. Ce cycle, lointainement inspiré des toiles du peintre, comporte des épisodes brillants, mais il se présente surtout comme un voyage intérieur. La galerie "visitée" est d'abord l'expression de sa subjectivité. C'est une méditation musicale sur l'énergie de la vie et la révolte face à la mort.
Ici un extrait, le début des "Tableaux..." interprété par Evgenyi Kissin, pianiste russe.



si vous voulez voir les autres parties, voici le lien

Sa musique diffère radicalement de celle de Tchaïkovski. Celui-ci a reçu une éducation musicale au Conservatoire de Saint-Petersbourg, et reste très attaché à la musique occidentale, notamment à celle de Mozart. Son talent d'orchestrateur s'épanouit mieux dans le Ballet, l'opéra, la Symphonie, ou le concerto que dans la musique de piano solo, où l'on sent l'empreinte profonde de la musique allemande (schumann). Artiste hypersensible et un peu névrosé, il fut défendu par des artistes russes beaucoup plus modernes (Stravinsky, Diaghilev), peut-être y voyant des éléments slaves de qualité qui échappa à des oreilles étrangères. De lui on retient la "Symphonie Pathétique", les Ballets (Casse-Noisettes, le Lac des Cygnes, la Belle au Bois Dormant). Des opéras ("La Dame de Pique"), les Concertos pour Piano.

Après la disparition des membres du Groupe des Cinq, apparaissent deux compositeurs majeurs, Alexander Scriabine (1872) et Serge Rachmaninov ((1873), mais aussi Nicolaï Medtner(1880-1951) et Anatole Liadov (1855-1914), influencé par Chopin, dont on retiendra les "Morceaux" op 10 et 11, ou les deux "Mazurkas" op 15.
Alexandre Glazounov (1865-1936) opère la synthèse entre le Groupe des Cinq et l'influence allemande. son poème symphonique, "Stenka Razine", a fait le tour du monde.


Rachmaninov et Scriabine sont des virtuoses formés par Nicolaï Zverev. Rachmaninov compose son Concerto pour Piano n°1 en 1892 à Moscou, Scriabine termine en 1896 ses Préludes op 11. Nourries de romantisme, et de Chopin en particulier, leurs routes vont se séparer en 1903.
A partir de là, Scriabine va soumettre le piano à des choix harmoniques et une écriture pianistique nouveaux. Avec la 7ème, la 10ème sonates ou le poème "Vers la flamme", le piano devient trop petit pour renfermer tout ce que le compositeur a à transmettre.
Malheureusement une septicémie emporte le compositeur en 1915. "Je n' apporte pas la vérité, mais la liberté", disait-il. Kun Woo Paik, l'un des plus grands pianistes scriabiniens, remarque: "La musique de Scriabine est porteuse d'une force originelle qui nous place face à nous-mêmes. Angélisme et satanisme s'y mêlent et la rendent profondément fascinante".
Voici donc le poème op72 "vers la flamme" de Scriabine interprété par Vladimir Horowitz, morceau d'une extrême modernité écrit en partie sur 3 portées, dont lui-même dit "si je ne m'évanouis pas, çà va.."



Le Scriabine des dernières oeuvres deviendra l'emblème de l'avant-garde Russe, laissant la perspective post-romantique de Rachmaninov loin derrière elles! Cependant il faut se garder de comparer, les deux étant des représentants en puissance de l'âme russe.
L'auteur des "Etudes-Tableaux" est sans doute plus accessible, mais ils se rejoignent de par leur destin commun d'exilés après la révolution bolchevique, et
l'originalité de leur invention rythmique alliée à un art du timbre étonnant.

Le jeune Serge Prokofiev (1891-1953), influencé par eux, laisse toutefois percevoir un tempérament caustique et iconoclaste, à travers les "Etudes" op2 de 1909, les "Pieces" op3 et 4 (1907), et surtout les "Concertos" n°1 et 2" (1912-13).
Installé en Occident entre 1918 et 1936, il ne participera pas à la période d'effervescence culturelle qui suit la chute du régime tsariste jusqu'à la chape de plomb de la période Stalinienne.
Voici une de mes pièces préférées, le 2ème mouvement du 2ème concerto pour piano de Prokofiev interprété par Nikolaï Lugansky (BBC Proms, 2006)




Igor Stravinski (1882-1971), autre compositeur exilé loin de son pays par des événements politiques, s'en tiendra à une scolaire "Sonate en Fa dièse mineur" (1904) et à quelques pièces comme les "quatre études", "Ragtime Music", "Circus Polka", jusqu'à la "Sonate" en 1924, oeuvre la plus intéressante, avec la transcription des 3 mouvements de "Petrouschka"dont voici un extrait ("chez Petrouchka") interprété par le pianiste Sokolov.


Le domaine d'expression naturel de Stravinsky étant la musique d'orchestre, cette oeuvre est par conséquent la plus aboutie du répertoire.

Sur ce point il rejoint un autre compositeur, Dimitri Chostakovitch (1906-1975). Immense pianiste, son répertoire pour piano n'a pourtant jamais égalé son oeuvre pour orchestre. Bien que les "Préludes" op 34, le 1er Concerto op 35, ou les "Préludes et Fugues" op 87 de 1951, que Keith Jarrett a joués en concert, soient honorables, elles n'égalent pas le reste de sa musique, la 10ème symphonie, "Lady Macbeth", ou le 13ème Quatuor.

Idem pour Aram Katchaturian (1903-1978), lui aussi plus doué pour l'orchestration, mais dont le triptyque des "Sonates de guerre"(entre 39 et 44) déploie une violence et un effroi dantesques au moyen d'une virtuosité redoutable. Dans ces oeuvres, le compositeur, nourri du traumatisme de la guerre, est allé au bout de lui-même et des possibilités de son instrument préféré.

Dans chaque chef d'oeuvre du piano Russe, qu'il cultive le lyrisme le plus passionné (Tchaïkovski, Rachmaninov), la vérité dramatique la plus extrême (Moussorgski), le mysticisme le plus vibrant (Scriabine), on retrouve toujours cette sensation d'aboutissement des idées musicales, avec une écriture synonyme de relief et de flamboiement...

les compositeurs russes sous l'oppression soviétique



la Révolution socialiste éclate en Octobre 1917 en Russie.


C'est l'avènement de la dictature du prolétariat. Le chaos s'installe et durera 70 ans, touchant durement les musiciens russes. Le destin de Chostakovitch, Prokofiev, Miaskovski, et de beaucoup d'autres s'en trouvera profondément modifié...



Dès les premiers symptomes de la Révolution, tous les arts, peinture, musique, littérature, vont être contrôlés. Les artistes ne peuvent que se soumettre au régime dont le mot d'ordre est: obéir ou se taire, or, se taire, en musique, c'est ne plus exister.
La Révolution s'ajoutant à la 1ère Guerre Mondiale, tout devient difficile, Lénine affirme que "la grande masse de l'intelligentsia de l'ancienne Russie est directement opposée au régime des Soviets".

Certains musiciens choisissent l'exil: Stravinsky, Rachmaninov, Glazounov...perdant tout. Rachmaninov a dit:"En quittant la Russie, j'ai laissé derrière moi l'envie de composer. En perdant mon pays, je me suis perdu moi-même. Dans cet exil, loin de mes racines et de mes traditions, je ne trouve plus l'envie de m'exprimer".

Prokofiev, lui, est au coeur d'une controverse esthétique. En 1916, un journaliste éreinte la "Suite scythe", la décrivant comme "un salmigondis de bruits atroces..." alors que la représentation avait été annulée pour cause de guerre. En 1918, il quitte la Russie "pour avoir un peu d'air frais", malgré le soutien de Lounatcharski, premier Commissaire du peuple à l'Instruction publique. Il reviendra de temps en temps, pour quelques concerts que les critiques accueillent mal, jusqu'à son retour définitif en 1936.

La Suite Scythe de Prokofiev par le philarmonique de Rotterdam sous la baguette de Gergiev.

En 1923 se crée l'ARMP (Association Russe des Musiciens Prolétariens).
"Toute la musicographie soviétique resta durant 70 ans imprégnée de ce besoin de justification socio-politique et doctrinale des oeuvres musicales. Pour rendre les choses encore plus explicites, on alla jusqu'à rebaptiser les opéras: "La Tosca" devient "Le combat pour la commune...".
Avec le 10ème anniversaire de la Révolution d'Octobre, on voit apparaître les premiers Opéras soviétiques, caricaturant le capitalisme et exaltant le communisme toujours victorieux.

A cette occasion, on entend un jeune compositeur, Dimitri Chostakovitch, qui présente, 18 mois après sa "1ère Symphonie" (qui l'a rendu célèbre), une 2ème Symphonie "Octobre".
Tribut pompeux d'un artiste soumis à un régime qui entre dans la période la plus noire, celle de la terreur, de la disparition des libertés des condamnations arbitraires.
C'est avec son premier opéra, "Le nez", d'après Gogol, que Chostakovitch subit les semonces d'un Parti qui ne cessera plus de le harceler, le désavouant puis l'encensant, le condamnant puis lui remettant des prix prestigieux. Créée à Leningrad en 1930, cette oeuvre satirique, est un immense succès populaire. Attaqué par les critiques comme le pur produit d'une bourgeoisie décadente, l'opéra est vite retiré de l'affiche. Un journal publie que "le nez tout entier est un ouvrage destructeur, un scandale assez bien fichu...qui suscite la panique sur toute la ligne du front musico-théâtral et barre ainsi la voie à l'édification d'un opéra soviétique". Chostakovitch est consterné. La nervosité et le surmenage auront raison de lui. "Le nez" tombe dans l'oubli. Beaucoup de temps passera avant que cette oeuvre géniale ne soit appréciée à sa juste valeur.
A la fin de l'année 1929, Prokofiev revient en URSS pour faire donner un nouveau ballet, "Le Pas d'Acier". Mais, suite à un examen de l'ARMP, la partition est retirée de l'affiche pendant les répétitions: "Dans la scène intitulée "l'Usine", est-ce une usine capitaliste qui est dépeinte, où l'ouvrier est un escalve, ou est-ce une usine soviétique, où l'ouvrier est le maître? Et si c'est une usine soviétique, quand et où Prokofiev en a-t-il vu une, étant donné que, de 1918 à l'heure présente, il a vécu à l'étranger, n'étant venu ici pour la première fois qu'en 1927 pour seulement 15 jours? Cette question concerne la politique, pas la musique, et je n'y répondrai pas". Les critiques se déchaînent alors, considérant la musique de Prokofiev, écrite à l'étranger, comme la production musicale d'un fasciste, et son ballet comme "une mystification antisoviétique, contre-révolutionnaire et fasciste". Ecoeuré, Prokofiev repart aux Etats-Unis.

Chostakovitch envisage de composer une symphonie "De Marx à nos jours", mais il préfère s'atteler à un nouvel opéra.
En 1932, Staline restructure les organisations artistiques, l'ARMP est dissoute et remplacée par l'Union des Compositeurs dont les membres sont Khrennikov, Miaskovski et Katchaturian.

Prokofiev, Chostakovitch et Katchaturian

En 1934, Chostakovitch fait donner une oeuvre reconnue parmi les plus importantes du XXème siècle. "Lady Macbeth du district de Mzensk". L'opéra est soutenu par la presse, le public lui réserve un accueil délirant, les confrères l'admirent. Pendant deux ans, alors que l'opéra est monté partout, Chostakovitch reprend espoir...jusqu'en 1936, date à laquelle Staline assiste à une représentation. Quelques jours après, un article de la Pravda titré "le chaos remplace la musique" anéantit des espérances: "il est difficile de suivre cette musique, il est impossible de la mémoriser...tout cela est grossier, primitif, vulgaire. La musique glousse, vrombit, halète, souffle, pour représenter avec réalisme les scènes d'amour...cette Lady Macbeth est appréciée par les publics bourgeois à l'étranger.Si le public bourgeois l'applaudit, n'est-ce pas parce que cet opéra est absolument apolitique et confus? "
L'article n'est pas signé: il reflète donc l'opinion du Parti ou de l'appareil d'Etat. Une option dangereuse qui annonce souvent l'annonce de poursuites et fait planer la menace d'une arrestation, d'une déportation ou même d'une condamnation à mort.
un extrait de "Lady Macbeth" (ou The Hamlet Suite): "la mort de Hamlet"
Chostakovitch, ennemi du peuple à l'attitude anti-socialiste va alors connaître la terreur telle qu'elle est vécue à la fin des années 30 par tous les soviétiques: les accusations infondées, l'attente angoissante des rafles nocturnes. Autour de lui, Gorki meurt étrangement, le poète Mandelstam est assassiné. Isaak Babel est fusillé en prison, les compositeurs Mossolov et Popov sont arrêtés comme beaucoup d'artistes. Le metteur en scène Meyerhold, ami de Chostakovitch, est fusillé en 1940 et sa femme assassinée à coups de couteau...
Staline épargnera pourtant Chostakovitch, nul ne sait pourquoi: sans doute simplement parce qu'il adorait jouer au chat et à la souris avec ses victimes...
Malgré sa peur, Chostakovitch compose toujours, "et s'ils me coupent les deux mains, je tiendrai ma plume entre les dents et je continuerai à écrire de la musique."
Sa "Cinquième Symphonie", jouée fin 1937, contribue à sa réhabilitation.
(écouter ci-dessous)

Il obtient une place de professeur au Conservatoire de Leningrad et reçoit le prix Staline en 1941 pour son "Quintette avec Piano" (100 000 roubles qu'il distribuera à tous ses amis) et le gagne de nouveau en 1942, pour sa "Septième Symphonie". Il est alors considéré comme le plus grand compositeur soviétique.

Pendant cette période tragique, Prokofiev décide de revenir au pays et de rompre avec l'Occident. Une des premières oeuvres qu'il fait monter à son retour est le Ballet "Roméo et Juliette". Déjà se posent les premiers problèmes: les danseurs n'apprécient pas les changements de rythme, et puis l'histoire est trop triste...En URSS, un tel drame est impensable. On suggère donc à Prokofiev, qui n'en fera rien, de réécrire une fin, où Roméo sauverait Juliette in extremis!

Enfin, en 1943, il remporte le prix Staline pour sa "Septième Sonate pour piano" et reçoit le titre d'Artiste du Peuple en 1947.
Pendant la guerre, les musiciens sont plus actifs que jamais et la victoire les rend optimistes.
Ce grand élan est coupé net par Jdanov en 1948.
Staline avait confié à Jdanov le contrôle de l'idéologie et des activités culturelles. C'est l'opéra d'un inconnu, Vano Mouradelli, qui déclenche la foudre. Lors d'une réunion du Comité Central, Jdanov reproche à cette oeuvre d'être "formaliste", par opposition au "réalisme". Bientôt, le formalisme est associé à "décadent" et à "bourgeois", et de nombreux compositeurs sont à leur tour accusés. Jdanov, dans une résolution de Février 1948, les condamne sans appel, décrétant qu' "il s'est formé une brèche importante dans les fondations mêmes de la musique soviétique...Dans l'Union des Compositeurs, le rôle dirigeant est joué aujourd'hui par un groupe limité de compositeurs. Il s'agit des camarades Chostakovitch, Prokofiev, Miaskovski, Katachaturian, Popev et Chebaline. Nous admettrons que ces camarades sont les principales figures dirigeantes de la tendance formaliste en musique et cette tendance est totalement fausse...
La musique qui est inintelligible au peuple lui est inutile".
A la suite de cette déclaration, Katchaturian doit démissionner de la présidence de l'Union des Compositeurs. Prokofiev, dont la santé décline, s'humilie par une lettre dans laquelle il fait amende honorable, Miaskovski achève péniblement son ultime symphonie avant de mourir, Chostakovitch perd sa fonction de professeur (il ne retrouvera un poste qu'en 1961). Même son fils, alors âgé de 10 ans, doit le condamner publiquement lors d'un examen de l'école de musique.
Les oeuvres de tous les compositeurs accusés sont mises à l'index et il ne faut plus écrire que de la "musique pour le peuple". Après avoir semé la désolation et la ruine, Jdanov décède fin 1948, et les hommes qu'il a placés à la tête de l'Union des Compositeurs, Assafiev et Khrennikov, poursuivent fidèlement sa politique.
Le 5 mars 1953, Staline meurt, et - à quelques heures d'intervalles, Prokofiev le suit dans la tombe. Le dégel peut commencer. La même année, la "Pravda" en donne les premiers signes, affirmant que "façonner tout l'art sur un seul modèle, c'est oblitérer l'individualité et priver l'artiste de toute expérimentation créatrice. Il importe d'encourager les nouveaux départs en art, d'étudier le style individuel de l'artiste, d'explorer hardiment les chemins nouveaux".
En 1958, le décret historique de 1948 est officiellement abrogé. Chostakovitch est réhabilité , prend des fonctions honorifiques, doit adhérer au Parti et meurt célébrissime en 1975.
Une nouvelle génération de compositeurs feront leurs armes sous Khrouchtchev et Brejnev, pendant une période qui oscillera longtemps entre enfermement et dégel: Edison Denisov, Alfred Schnittke, Galina Oustvolskaïa, Rodion Chédrine, Sofia Goubaïdoulina...
Les plus grands leur avaient ouvert les portes de la liberté, souvent au péril de leur art et de leur vie.
(dossier emprunté au magazine "Pianiste")

lundi 12 mars 2007

zoom sur Rachmaninov


"Je ne suis vraiment moi-même que dans la musique. La musique suffit à une vie entière. Mais une vie entière ne suffit pas à la musique"( Rachmaninov)

Adulé par les amateurs de musique romantique, rejeté par ceux qui méprisent la sensualité mélodique de sa musique. Dans les deux cas, la perception de son oeuvre reste incomplète, jugée hâtivement. Il mérite mieux...

Le XXème siècle, synonyme de ruptures, de bouleversements, et de révolutions, juge les artistes sur leur capacité d'innovation en matière de technique, et de langage. Il rejette ceux qui restent attachés au passé .

Rachmaninov définit une conception de la musique plutôt attachée au Romantisme: "La musique vient droit au coeur et ne parle qu'au coeur; elle est Amour! la soeur de la Musique est la Poésie, et sa mère est le Chagrin!".
Issu d'une famille où la pratique amateur mais de bon niveau est ancrée depuis plusieurs générations, il fera ses études au Conservatoire de Saint-Petersbourg en 1882. A 9 ans, durant 3 ans, il progresse peu, étant perturbé par la séparation de ses parents. Son cousin, Alexandre Siloti, enseigne au Conservatoire de Moscou, et en 1885, il devient élève du célèbre Zverev: celui-ci le fera travailler à une cadence quasi militaire, et fera de lui un immense pianiste. Sa pédagogie met l'accent sur la souplesse de la main, du poignet, la qualité du toucher, l'art de "timbrer" et la précision rythmique...
Chez Zverev il côtoiera les frères Rubinstein (Anton et Nicolaï), et Tchaïkovski, qu'il admire. Mais la composition l'attire, ce que son professeur désapprouve. Il l'étudiera avec Arenski et Taneïev.

D'abord centrée sur le piano et la musique de chambre, son oeuvre se diversifie ensuite, donnant naissance au 1er Concerto pour piano et un opéra en un acte: "Aleko". Il entame une carrière de virtuose en 1892, en continuant à composer: les "Cinq morceaux de fantaisie" (dont le très beau "Prélude en Do dièse mineur"), la "Suite n°1", les deux "Trios élégiaques", les "Moments musicaux" et la "Symphonie n°1".
Malheureusement sa symphonie est un échec, il est éreinté par la critique. Pendant 3 ans, plus rien.


"Prélude en Do dièse mineur"-(Victor Merzhanov, Moscou, 2001.)
et un extrait du 1er Concerto pour piano (bof,le son, mais çà donne une idée)

Il suit une thérapie par l'hypnose avec le docteur Dahl au cours de laquelle il retrouve sa confiance en lui et se lance dans l'écriture du "2ème Concerto" op.18 en 1900, achevé l'année suivante. Cette partition, débutant dans les graves du clavier, est l'expression symbolique de sa remontée du néant. Son écriture s'enrichit et il poursuit avec la "suite n°2" pour 2 pianos op.17. Son mariage avec sa cousine Natalia en 1902 contribue à lui apporter une certaine stabilité.

2e Concerto pour piano (1er mouvement) par Goergi Cherkin
et l'orchestre de la Radio de Sofia (Bulgarie)

Dès 1902-1903, naissent les "Variations sur un thème de Chopin" op.22 et les "Préludes"op. 23, puis toute une suite de compositions. Jusqu'à son exil, il écrira surtout pour le Piano, les "Sonates n°1 & 2" (1910, 1913) les "Préludes" op.32 en 1910, et les "Etudes-Tableaux" op.33 et 39 (en 1911 et 1917).

le "Prélude"op.23 n°5, interprété par Emil Gilels, tube des concours de piano.




"Etudes-Tableaux" op.33 n°2 en Do min et n°1 en Fa mineur
Interprétés par Hélène Grimaud

Associé à l'orchestre, le Piano, instrument-roi reçoit un des joyaux de son répertoire, en 1909, avec le 3ème Concerto pour piano op.30, écrit en prévision de sa tournée américaine. La technique requise est impressionnante, à l'image de cet immense pianiste.

Sur cette vidéo, le 1er mouvement du 3e Concerto est interprété par Marta Argerich (une des meilleures prestations) sous la direction de Chailly.


En dehors du Piano, son oeuvre s'enrichit d'une 2ème Symphonie (1907) et du poème symphonique "L'île des Morts" (1909). Son don de mélodiste le pousse à composer pour la voix des recueils de mélodies avec piano (dont l'opus 34 (1910-12) où l'on peut entendre la "Vocalise", deux Opéras ("Le Chevalier Ladre" et "Francesca di Rimini" en 1905, et des pages chorales inspirées. La Symphonie chorale "Les Cloches" op. 35 de 1913 et les "Vêpres" sont dignes d'intérêt également.


Mais le compositeur mène parallèlement une active carrière de concertiste, jouant surtout ses compositions, en Russie comme dans le reste de l'Europe. Il entreprend une tournée aux Etats-Unis en 1909 avec le Concerto en ré mineur op 30. Le public l'acclame partout. Il est aussi un grand chef d'orchestre.
L'exil: "La révolution avait à peine commencé que je sentis qu'elle était mal partie. En Mars 1917, j'étais déjà décidé à quitter la Russie, mais je ne pus mettre ce projet à exécution car on continuait à se battre et personne ne pouvait traverser la frontière" (Rachmaninov). Grâce à son activité de concertiste, il échappera à la sinistre farce Bolchevique. Une tournée de 10 concerts en Scandinavie lui permettra de partir avec sa famille. Il passera un an à Copenhague puis s'installe aux Etats-Unis.

Entre son arrivée aux Etats-Unis en 1918 et l'année suivante, il donnera 36 concerts. Lors de la saison suivante, 69 suivront. Il enregistre aussi, notamment la "Sonate Funèbre" de Chopin et le "Carnaval" de Schumann. Les concerts l'entravent un peu dans son travail de composition. Après la création du 4ème Concerto pour piano, la critique se déchaîne. "De la super musique de salon!", écrit un journaliste du Evening Telegram. Les "Variations Corelli" op. 42 (1931) et la 3ème Symphonie" op. 44 sont également assez mal reçues. Pourtant ces oeuvres sont plus profondes, moins "publiques". La seule partition bien accueillie, composée dans sa villa en Suisse, est la "Rhapsodie sur un thème de Paganini" p. 43...
En 1941, il fait jouer les "Danses Symphoniques pour orchestre" - son dernier ouvrage - sous la direction d'Eugène ormandy, un de ses plus fervents défenseurs. Cette musique est le reflet de son sentiment d'exil: "Le monde tout entier m'est ouvert, le succès m'attend partout. Mais un endroit m'est interdit et c' est ma patrie: la Russie".

A partir de 1939, il se limite aux Etats-Unis, à cause de la guerre.
Atteint d'un cancer, il donne un dernier récital à Knoxville en 1943, un mois avant de mourir à Los Angeles. Il joue la "Sonate Funèbre"...

Steven Hough joue la "Rhapsodie sur un thème de Paganini" avec l'orchestre symphonique de la BBC sous la direction de Leonard Slatkin.

samedi 10 mars 2007

le piano: oeuvres travaillées par moâ

Je ne vais pas citer ici mes pianistes et mes oeuvres préférés, je préfère vous faire partager les moments que je passe régulièrement depuis l'âge de 13 ans à observer, écouter, analyser, une partition ou pas à la main, les oeuvres que j'aime travailler, et celle que je voudrais découvrir. C'est ma façon à moi de continuer à apprendre et cela s'est avéré souvent très stimulant lorsque je me sentais découragée ou même d'humeur paresseuse.


Sonate n°3 de Prokofiev par Emil Gilels
Cette sonate, très difficile à jouer techniquement, alterne passages lyriques et folie rythmique dans une sorte de course en avant. J'avais joué cette oeuvre lors de mon 3e concours international (CMF) et avais été très surprise d'être prise en finale grâce à cette oeuvre, que je ne maîtrisais pas totalement. Une jeune pianiste était venue me féliciter, à la fin de mon passage. Cependant je n'ai pas osé la mettre au programme de ma médaille. Mon professeur m'en avait d'ailleurs dissuadée. Avec le recul je me dis que j'aurais peut-être dû essayer...


Prélude op.24 en Ré majeur de Serge Rachmaninov interprété par Dimitri Sgouros J'ai travaillé cette petite pièce avec Bernard & Elena, et j'ai progressé grâce à elle, à tous points de vue. Il ne faut penser qu'à conduire la mélodie le plus librement possible, en prenant son temps pour les ronces musicales qu'il a su tisser tout autour.

Horowitz Moscow - Schubert -Impromptu en si bémol majeur
Le premier concours que j'ai passé, je n'en menais pas large, mais ça a passé. Je le retravaille régulièrement, il est plaisant et apprécié du public. Une des plus belles oeuvres pour piano de Schubert, à mon sens, très "style", et parmi les plus accessibles.


Jeux d'eau Ravel Argerich
Tout le monde devait travailler cela pendant mes années marseillaises au Conservatoire...pour moi c'était assez angoissant, je n'étais pas à l'aise dans ces oeuvres "aquatiques", des doigts trop nerveux et pas assez de respiration, une pédale trop lourde, je le relis avec plaisir maintenant, sans le stress.


Vladimir Horowitz - Chopin - Ballade n°1 en Sol mineur
Magnifique ballade, qui m'a fait obtenir mon diplôme de fin d'études à marseille, j'ai encore l'enregistrement quelque part, le jury l'a entendue 80 fois, je crois, un truc de fou...je ne m'en suis jamais lassée, c'est tellement romantique et en même temps, une écriture très originale, presque improvisée...lorsque je suis entrée en médaille, un membre du jury est venu me voir, que je reconnaissais vaguement, et m'a dit qu'il se souvenait encore de moi ce jour-là...il faut dire que Mr Barbizet m'a énervée avant que je joue, et je l'en remercie encore aujourd'hui. Parce qu'à l'époque, j'étais tellement timide et complexée que je m'excusais presque de jouer...


Jorge Bolet - Chopin - Ballade N°4 en Fa mineur
merveilleux pianiste. le finale, c'est comme dans la pub: "je l'aurai, un jour, je l'aurai..." c'est pas gagné, c'est sûr...bon, ben, en attendant, va travailler, feignasse!


Richter - Chopin Etude Op 25 No 11 Rhalalaaa...le pied. je vais la retravailler avec Bernard en avril, gasp! mais c'est un bon baromètre pour voir où l'on en est.


"grosse Sonate" en Fa dièse mineur de Robert Schumann, par Vanessa Wagner
cela fait trois fois cette année que je reprends cette sonate, écoutez le 1er mouvement, c'est très beau...

Et voilà le finale, un de morceaux préférés...enjoy!
la Sonate n°27 en mi mineur de Ludwig Van Beethoven, 1815 (il la joue bien, hein?) elle est très belle, et commémore le mariage du comte Moritz von Lichnowsky avec une actrice, (en dépit des réticences de sa famille). Ce premier mouvement étant intitulé "combat entre la tête et le coeur" (mais il ne l'a pas écrit sur la partition).

samedi 3 mars 2007

Bernard d'Ascoli




Bernard est un pianiste Français né en 1958 à Aubagne. Il a commencé le Piano à 11 ans, a obtenu son bac à 15 ans, étudié avec Pierre Barbizet (grand pianiste Français et directeur du Conservatoire Régional de Marseille) en 74. Il a obtenu le 1er Prix du Concours International de Piano de Barcelone, un 3ème Prix au Concours Leeds en 81 et a été également lauréat du Concours Frédéric Chopin de Varsovie.

Il a mené une brillante carrière internationale, jouant avec les plus grands orchestres, en Australie, en Grande-Bretagne, en Hollande, en Allemagne, au Japon, en Espagne...Le Garlaban (en arrivant chez Bernard et Elena, on l'a en face tout le long du chemin du bec cornu, le rêve, un peu...


Il a ouvert une école de piano à Aubagne, aux pieds du Garlaban, où il dispense un enseignement destiné à de jeunes pianistes ayant obtenu une médaille d'or et désirant se perfectionner pour passer les concours d'entrée aux Conservatoires Supérieurs de Paris, Lyon ou Genève, ou les grands concours internationaux. Cette école, c'est "Piano Cantabile". Tout est fait dans cette école pour donner confiance, l'envie de réfléchir et d'analyser, pour développer le désir de faire de la musique du mieux possible, dans un esprit d'humilité et de respect de la partition.

Les élèves ont non seulement la possibilité de se produire régulièrement en concert avec l'association mais aussi de réaliser un enregistrement, pour se réécouter. Ils peuvent aussi travailler en binôme, ce qui est très enrichissant. Des masters class sont régulièrement organisées afin de permettre aux élèves de rencontrer et bénéficier des conseils de pianistes confirmés.

Les cours sont ouverts à d'autres publics cependant, pour un prix tout à fait abordable et une qualité d'enseignement y règne que j'ai rarement vue jusqu'à ce que je les rencontre, lui et Elena, sa compagne.

Bernard joue un répertoire assez large, mais son affinité avec la musique romantique et particulièrement celle de Chopin est une évidence. Ses albums des "Nocturnes", "Impromptus et Scherzos" de Chopin sont à écouter absolument. Certains critiques le comparent à la fois au jeu de Rubinstein et de Ax.

J'ai trouvé leur Flyer à la FNAC de Marseille, un jour de déprime. Cela faisait des années que je travaillais mon piano avec acharnement, j'avais passé 4 fois le concours Musical de France, obtenu ma médaille d'or, tout en passant les prix d'Harmonie et de Contrepoint. J'avais essayé d'entrer au CEFEDEM pour obtenir un DE (diplôme d'état de prof d'instrument). Ayant échoué apparemment à cause de la partie instrumentale, j'avais le sentiment que je ne serais jamais une excellente pianiste. J'ai appelé à tout hasard, et suis tombée sur une Elena à l'écoute, dont la voix m'a redonné confiance. J'ai pris rendez-vous et j'y suis allée. Après avoir raconté ma petite histoire, je me suis mise au piano, et j'ai joué une partie du programme. Une Toccata de bach et la Grande Novelette de Schumann. Puis j'ai écouté attentivement ce qui m'a été dit.

Petit à petit j'ai pris conscience que les problèmes que j'avais n'étaient pas tellement dans mes doigts, mais ailleurs. Tendance à jouer trop vite, peur du silence, de la lenteur, peur de s'imposer, mauvaise position, stress dans les passages rapides, pédale lourde, etc...

Et puis je suis revenue toutes les semaines, travaillant les oeuvres, en essayant de plus y réfléchir, à toutes ces petites choses, faire moins attention à mes doigts, mais plus écouter le chant, les lignes internes, les contrechants, la résonance, laisser les silences parler, travailler à la table, c'est-à-dire sans forcément jouer, juste lire et écouter...cela a été long mais c'est venu progressivement et Bernard était plutôt satisfait de mon évolution.

J'ai aimé travailler le plan technique avec Elena, le travail d'analyse sur la partition, et les séances d'interprétation et d'enregistrement avec Bernard, qui n'a jamais semblé fatigué ou découragé, m'a toujours détendue et redonné confiance et courage, jamais avare de compliments et avec des critiques toujours justes, donnant à réfléchir et à creuser.
Le fait d'entendre Bernard travailler et de l'avoir vu en concert m'a également beaucoup apporté, car cela m'a toujours donné l'impression d' un mélange de sérénité absolue en même temps que de courage, de ténacité et de passion intense dans le discours musical.

Je crois, à leur contact, que je me suis enfin posée les bonnes questions, et parfois plus de questions du tout, microcosme et macrocosme, bonheur de jouer, à l'état pur... et beaucoup plus d'indulgence vis-à-vis de mes élèves aussi.
Noël 2004 (Aubagne)

J'ai étudié avec Bernard et Elena ces oeuvres:

"Ballades" n°3 et 4, études diverses de F.Chopin. "Variations Sérieuses" de F.Mendelssohn. "Carnaval" op 9, "Variations sur le nom d'Abegg" et "Grosse sonate n°1" de R.Schumann. Grande "Sonate en la mineur" de F.Schubert. "Préludes" de Rachmaninov. "Préludes" de Scriabine (op 11). "Partita n°1", "Suite Anglaise" n°1, "Concerto en Fa mineur" de J.S. Bach. "Préludes" et valse "la plus que lente" de Debussy. "Sonate en Si bémol" de Mozart. Sonate "les Adieux" , "Waldstein" et la sonate en Mi mineur de Beethoven. Les "Valses nobles et sentimentales" de Ravel. "Nocturne" n°5 de Fauré. 2 "Saudade do Brazil" de Milhaud. et "Au bord d'une source" extrait des "Années de pèlerinage" de Liszt. "Intermezzi" op117, 4 "Ballades" op 10, "Raphsodie n°2" de Brahms.

Aujourd'hui encore, lorsque je travaille mon répertoire et lorsque j'explore d'autres oeuvres, j'entends leurs voix me donner des conseils, je me souviens de tout ce qui m'a été dit, et pourtant j'ai pris peu de notes. Cela s'est gravé en moi, simplement. C'est la conception que j'avais de l'enseignement, et jamais plus je ne pourrai travailler avec autant de plaisir avec d'autres professeurs avec autant de confiance.


Voilà, j'avais envie de vous faire découvrir ce pianiste pour lequel j'ai le plus grand respect et la plus grande affection.