mercredi 2 avril 2008

Chant et musique religieuse du Tibet

Le Tibet constitue l’une des cinq régions autonomes de la république populaire de Chine. Il s’agit d’un ensemble de hautes chaînes montagneuses dont l’altitude ne descend jamais sous les trois mille mètres, ce qui rend les conditions de vie plutôt difficiles.
La religion autochtone primitive du Tibet est généralement appelée Bon. Dans son état ancien, elle s’apparente à une sorte de chamanisme (religion asiatique fondée sur les relations avec des esprits surnaturels.
Le Bouddhisme « tibétain » (ou Lamaïsme) a été introduit dans le pays au VIIe siècle ap. JC par un moine indien, Padma Sambhava, appelé « grand Guru », c’est-à-dire « Maître Spirituel » (Lama, le dalaï-Lama étant le chef du bouddhisme tibétain). Cette religion s’appuie sur un ensemble de doctrines ayant pour support les écritures sacrées réunies dans les tantras (livres), les pratiques religieuses font appel à des techniques psychophysiologiques (méditation – Yoga) où les exercices respiratoires font l’objet d’une grande attention.
A la tête du monastère où les moines vivent en communauté, se trouve le Tulku, un moine réincarné qui doit aider ses semblables. Avant sa mort, le Tulku donne des informations qui aideront les moines à rechercher et à trouver l’enfant dans le corps duquel sa réincarnation s’effectuera.
Le tibétain n’est pas une langue indo-européenne. C’est une langue à tons, contrairement au Sanskrit et à l’Hindi. Elle comporte donc beaucoup moins de consonnes que ces deux langues et certaines lettres sont chargées de transcrire les tons de la langue parlée.


Les Lamas disent : « La religion est le son ». La récitation des mantras, le chant et l’exécution de musique instrumentale jouent un rôle fondamental dans leur culte. Pendant de nombreuses heures, jour après jour, année après année, les moines, en habit rouge, entonnent leurs prières, accroupis par terre, à la douce lumière des lampes à beurre. Leurs cérémonies comprennent les services de la liturgie régulière et différents extra liturgiques.
La musique religieuse se classe en deux catégories :
-La musique cérémonielle : celle des monastères ou celle de chaque demeure.
-La musique des drames religieux accompagnée de danses.

Dans les monastères, la vie musicale est assez intense. On utilise la musique pendant les cérémonies religieuses, pour convoquer les moines à l’office, pour faire une offrande, pour invoquer la protection des divinités, pendant les processions, pour accompagner les danses rituelles, etc…
Les rites ne peuvent être accomplis que par les moines. Dans la salle de prières, ils sont assis dans la posture de la méditation, sur des bancs placés en rangs parallèles. Toues les moines présents participent à la récitation et au chant. Certains, plus spécialisés, jouent du hautbois, de la trompe longue ou des cymbales.
Le chef du rituel est nommé par l’abbé du monastère compte tenu de son excellente mémoire des prières et de sa parfaite connaissance du rituel. Ce dernier est constitué en général d’une alternance de récitation, de chant et de musique instrumentale. La musique est due en général à un Lama de grande réputation spirituelle : son ébauche est ensuite élaborée par d’autres Lamas spécialistes. C’est donc le fait d’un travail collectif dans le temps.
Chez les moines du Tibet, le chant représente une fonction fondamentale de leur mission : ils ne chantent pas pour eux, ou pour un auditoire, mais pour les dieux. Leur langage musical est céleste et divin
LA RECITATION : Les prières peuvent être récitées de plusieurs façons en variant le tempo et l’intensité. Une même allure rythmique est suivie par tous les religieux.
LES CHANTS : ils sont parfois de forme libre, mais plus souvent versifiée, symétrique ou asymétrique.
Trois styles sont pratiqués :
-Style Ta : d’allure assez rapide, les paroles sont nettement prononcées. La gamme utilisée est pentatonique, anhémitonique. L’interprétation est parsemée d’interruptions glottales.
-Le style Gur : d’allure lente, utilisé dans les grandes assemblées de moines et pendant certaines processions.
-Le style Yang : d’allure très lente, l’émission vocale est gutturale et profonde. Le son est continu, ininterrompu. Le nombre de notes utilisées est très restreint. Tous les moines chantent à l’unisson. Ce style sert à communiquer avec les dieux.

Buddhist Chant - Shingon



Le chant Lamaïque est caractérisé par la profondeur extra-naturelle de la voix : voix d’outre-tombe qui relève d’une stricte discipline mentale. Le son semble « vomi », extirpé du bas du ventre. Il y a une certaine analogie entre ces sons vocaux et ceux des grandes trompes. Ce style est délibérément cultivé. Le chant varie entre un ton monotone altéré et un motif mélodique (maintes fois répété avec des variations) basé sur un mode défini variant entre trois et sept notes ou en descendant à partir d’une note. Il existe une notation traditionnelle pour le chant.
On chante en solo ou en chœur à l’unisson. Certains chanteurs se livrent à des variations improvisées – ceci aboutit parfois à une véritable « cacophonie ». Le chant se présente parfois a capella, mais le plus souvent accompagné d’un ensemble qui équivaut à un orchestre (passim). Il est composé d’instruments à vent placés par paires (trompes, hautbois, conques) et à percussion à ton indéterminé (tambour, tambour à boules fouettantes, cymbales).


Buddhist Monks Of Tibet - Sand Chant For World Peace



Les chants sont appris par imitation auditive et parfois visuelle : position du cou, de la bouche, etc. Le résultat est le fruit d’une longue ascèse qui exploite d’une façon peu courante les possibilités de la physiologie humaine. L’apprentissage commence vers l’âge de 5/6 ans, âge où l’enfant est confié au monastère par ses parents. L’une des techniques utilisées pour acquérir une voix très grave consiste à faire ingurgiter une grande quantité d’eau pour provoquer une série de vomissements, qui altèrent ainsi les cordes vocales.
On sélectionne très tôt (dès 12/13 ans) les futurs moines chargés de chanter les prières. Ils subissent un entraînement intensif pour « casser les cordes vocales ». L’étude de l’émission vocale se confond avec la recherche de l’identification au divin.


tashilhunpo monastery in shigatse, central tibet

Les jeunes novices qui vont pratiquer le Hautbois s’entraînent à la technique de la respiration circulaire en soufflant avec une paille dans un récipient rempli d’eau. Leur respiration est jugée correcte lorsque les bulles s’échappent de façon continue.


On peut aussi parler du chant diphonique (ou diplophonique), cette technique vocale exceptionnelle qui imite l’effet de la guimbarde en produisant simultanément un son grave continu faisant office de bourdon et un son aigu générant une mélodie harmonique.
Au Tibet, les moines des monastères Gyütö et Gyüme utilisent une technique de chant harmonique moins recherchée que le chant guttural toutefois.
Ce chant se pratique surtout en Mongolie, Touva, Bouriatie, République de l’Altaï, et Afrique du Sud (chez les Xhosa).


Gyütö monks



Les instruments de musique
L’usage des hautbois semble due à l’influence islamique. Il semblerait que la musique tibétaine ait bénéficié de nombreux apports d’Iran, de Grèce, de Turquie, de Mongolie, du Népal, de Chine et surtout de l’Inde, qui ont enrichi une expression traditionnelle originale et vivace.
Les instruments de musique:
Les instruments à vent:


- La conque (tib. doungkar) : au son lancinant. Elle symbolise la propagation au loin de l’enseignement du Bouddha.
- Les trompes courtes, ou cors (tib. kangling) : d’origine archaïque, elles étaient façonnées dans des fémurs humains (les ossements symbolisent la mort de l’ego).


- Les trompes longues (tib. doungtchèn):
Composées de tuyaux télescopiques en cuivre ou en argent, et souvent décorées avec de l’or, elles peuvent dépasser une longueur de 4 mètres. Elles émettent trois sons: grave, médium, aigu. Les joueurs de trompe émettent les sons tout d’abord doucement, puis plus fortement, avant de les laisser décroître. Elles se jouent par paires, pour assurer la continuité du son, les deux exécutants reprenant leur souffle en alternance.
- Les hautbois (tib. gyaling) : produisent des sonorités claires et stridentes, à l’inverse de celles des trompes. Elles se jouent aussi par paires. Les joueurs de hautbois doivent maîtriser le souffle continu, leur permettant de jouer tout en reprenant leur souffle, et ce pendant plusieurs minutes. Le hautbois n’a été introduit au Tibet qu’au XVIIe siècle.
- La flûte traversière (tib. treling)

Les instruments à percussion:
- Le gong(tib. kharnga)
- Les tambours (tib. nga):
- Les grands tambours (tib. ngatchèn), suspendus et pouvant mesurer un mètre de diamètre.
- Les tambours à manche (tib. lak-ngga)
- Les petits tambours suspendus (tib. gönnga)
- Le damaru: en forme de sablier muni de boules fouettantes, constitué de deux calottes crâniennes ou de bois.
- Les grandes cymbales (tib. rölmo) (avec un renflement important en leur centre) : utilisées horizontalement. Leur son est plus sourd que celui des autres cymbales.

- Les petites cymbales (plates) (tib. silnyen), tenues en position verticale, au son plus clair.
- Les petites cymbales (tib. tingshag) : au son aigu et cristallin
L’usage des cymbales est strictement codifié.

- La clochette (tib. drilbu*)
- La clochette-cymbale (tib. gshang)
La musique des rituels tibétains est parfois déroutante : l’entrée des instruments répond pourtant à un ordre précis : les cymbales dirigent, suivies par les tambours. Puis les trompes et les cors s’alignent sur leur rythme, et les cloches ponctuent le tout. Par contre, les hautbois et la conque suivent une ligne plus indépendante.
La musique rituelle est offerte aux divinités, et illustre donc les séquences d’offrandes, la fin des louanges, ou la joie des souhaits auspicieux lors des cérémonies.

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