lundi 12 mars 2007

zoom sur Rachmaninov


"Je ne suis vraiment moi-même que dans la musique. La musique suffit à une vie entière. Mais une vie entière ne suffit pas à la musique"( Rachmaninov)

Adulé par les amateurs de musique romantique, rejeté par ceux qui méprisent la sensualité mélodique de sa musique. Dans les deux cas, la perception de son oeuvre reste incomplète, jugée hâtivement. Il mérite mieux...

Le XXème siècle, synonyme de ruptures, de bouleversements, et de révolutions, juge les artistes sur leur capacité d'innovation en matière de technique, et de langage. Il rejette ceux qui restent attachés au passé .

Rachmaninov définit une conception de la musique plutôt attachée au Romantisme: "La musique vient droit au coeur et ne parle qu'au coeur; elle est Amour! la soeur de la Musique est la Poésie, et sa mère est le Chagrin!".
Issu d'une famille où la pratique amateur mais de bon niveau est ancrée depuis plusieurs générations, il fera ses études au Conservatoire de Saint-Petersbourg en 1882. A 9 ans, durant 3 ans, il progresse peu, étant perturbé par la séparation de ses parents. Son cousin, Alexandre Siloti, enseigne au Conservatoire de Moscou, et en 1885, il devient élève du célèbre Zverev: celui-ci le fera travailler à une cadence quasi militaire, et fera de lui un immense pianiste. Sa pédagogie met l'accent sur la souplesse de la main, du poignet, la qualité du toucher, l'art de "timbrer" et la précision rythmique...
Chez Zverev il côtoiera les frères Rubinstein (Anton et Nicolaï), et Tchaïkovski, qu'il admire. Mais la composition l'attire, ce que son professeur désapprouve. Il l'étudiera avec Arenski et Taneïev.

D'abord centrée sur le piano et la musique de chambre, son oeuvre se diversifie ensuite, donnant naissance au 1er Concerto pour piano et un opéra en un acte: "Aleko". Il entame une carrière de virtuose en 1892, en continuant à composer: les "Cinq morceaux de fantaisie" (dont le très beau "Prélude en Do dièse mineur"), la "Suite n°1", les deux "Trios élégiaques", les "Moments musicaux" et la "Symphonie n°1".
Malheureusement sa symphonie est un échec, il est éreinté par la critique. Pendant 3 ans, plus rien.


"Prélude en Do dièse mineur"-(Victor Merzhanov, Moscou, 2001.)
et un extrait du 1er Concerto pour piano (bof,le son, mais çà donne une idée)

Il suit une thérapie par l'hypnose avec le docteur Dahl au cours de laquelle il retrouve sa confiance en lui et se lance dans l'écriture du "2ème Concerto" op.18 en 1900, achevé l'année suivante. Cette partition, débutant dans les graves du clavier, est l'expression symbolique de sa remontée du néant. Son écriture s'enrichit et il poursuit avec la "suite n°2" pour 2 pianos op.17. Son mariage avec sa cousine Natalia en 1902 contribue à lui apporter une certaine stabilité.

2e Concerto pour piano (1er mouvement) par Goergi Cherkin
et l'orchestre de la Radio de Sofia (Bulgarie)

Dès 1902-1903, naissent les "Variations sur un thème de Chopin" op.22 et les "Préludes"op. 23, puis toute une suite de compositions. Jusqu'à son exil, il écrira surtout pour le Piano, les "Sonates n°1 & 2" (1910, 1913) les "Préludes" op.32 en 1910, et les "Etudes-Tableaux" op.33 et 39 (en 1911 et 1917).

le "Prélude"op.23 n°5, interprété par Emil Gilels, tube des concours de piano.




"Etudes-Tableaux" op.33 n°2 en Do min et n°1 en Fa mineur
Interprétés par Hélène Grimaud

Associé à l'orchestre, le Piano, instrument-roi reçoit un des joyaux de son répertoire, en 1909, avec le 3ème Concerto pour piano op.30, écrit en prévision de sa tournée américaine. La technique requise est impressionnante, à l'image de cet immense pianiste.

Sur cette vidéo, le 1er mouvement du 3e Concerto est interprété par Marta Argerich (une des meilleures prestations) sous la direction de Chailly.


En dehors du Piano, son oeuvre s'enrichit d'une 2ème Symphonie (1907) et du poème symphonique "L'île des Morts" (1909). Son don de mélodiste le pousse à composer pour la voix des recueils de mélodies avec piano (dont l'opus 34 (1910-12) où l'on peut entendre la "Vocalise", deux Opéras ("Le Chevalier Ladre" et "Francesca di Rimini" en 1905, et des pages chorales inspirées. La Symphonie chorale "Les Cloches" op. 35 de 1913 et les "Vêpres" sont dignes d'intérêt également.


Mais le compositeur mène parallèlement une active carrière de concertiste, jouant surtout ses compositions, en Russie comme dans le reste de l'Europe. Il entreprend une tournée aux Etats-Unis en 1909 avec le Concerto en ré mineur op 30. Le public l'acclame partout. Il est aussi un grand chef d'orchestre.
L'exil: "La révolution avait à peine commencé que je sentis qu'elle était mal partie. En Mars 1917, j'étais déjà décidé à quitter la Russie, mais je ne pus mettre ce projet à exécution car on continuait à se battre et personne ne pouvait traverser la frontière" (Rachmaninov). Grâce à son activité de concertiste, il échappera à la sinistre farce Bolchevique. Une tournée de 10 concerts en Scandinavie lui permettra de partir avec sa famille. Il passera un an à Copenhague puis s'installe aux Etats-Unis.

Entre son arrivée aux Etats-Unis en 1918 et l'année suivante, il donnera 36 concerts. Lors de la saison suivante, 69 suivront. Il enregistre aussi, notamment la "Sonate Funèbre" de Chopin et le "Carnaval" de Schumann. Les concerts l'entravent un peu dans son travail de composition. Après la création du 4ème Concerto pour piano, la critique se déchaîne. "De la super musique de salon!", écrit un journaliste du Evening Telegram. Les "Variations Corelli" op. 42 (1931) et la 3ème Symphonie" op. 44 sont également assez mal reçues. Pourtant ces oeuvres sont plus profondes, moins "publiques". La seule partition bien accueillie, composée dans sa villa en Suisse, est la "Rhapsodie sur un thème de Paganini" p. 43...
En 1941, il fait jouer les "Danses Symphoniques pour orchestre" - son dernier ouvrage - sous la direction d'Eugène ormandy, un de ses plus fervents défenseurs. Cette musique est le reflet de son sentiment d'exil: "Le monde tout entier m'est ouvert, le succès m'attend partout. Mais un endroit m'est interdit et c' est ma patrie: la Russie".

A partir de 1939, il se limite aux Etats-Unis, à cause de la guerre.
Atteint d'un cancer, il donne un dernier récital à Knoxville en 1943, un mois avant de mourir à Los Angeles. Il joue la "Sonate Funèbre"...

Steven Hough joue la "Rhapsodie sur un thème de Paganini" avec l'orchestre symphonique de la BBC sous la direction de Leonard Slatkin.

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