dimanche 5 août 2007

Le Ballet Royal du Cambodge (danses Khmères)

Les Apsaras (que l'on trouve sculptées sur les fresques des anciens temples) sont des nymphes célestes à la beauté séduisante qui habitaient les cieux et les airs. Sur terre, elles sont incarnées par les danseuses classiques de l'art Khmer. La danse incarne les valeurs traditionnelles de raffinement, de respect et de spiritualité.

La danse Khmère est un mélange de théâtre et de danse, sa gestuelle est un véritable langage, chaque mouvement, chaque attitude ont un sens. La flexion perpétuelle des genoux, le travail précis des mains, l'expression du visage sont codifiés pour l'interprétation de récits légendaires (Ramayana). La chorégraphie classique Cambodgienne ne comporte pas de gestes fixes, mais des figures en perpétuel mouvement, ce qui lui donne une fluidité unique en Asie. Un geste, lié à un port de tête particulier et à une position bien définie des bras et des jambes, a valeur de mot et les mouvements enchaînés les uns aux autres ont valeur de phrases. La lenteur voulue des mouvements donne à cette danse son caractère irréel, hypnotique. La gestuelle et les postures, dont la maîtrise exige des années de formation, traduisent la gamme des émotions humaines, de la crainte et de la rage à l'amour et à la joie.
Les danseurs et danseuses sont formés dès le plus jeune âge, et se dévouent totalement à leur art. Ils interprèteront des rôles différents selon leur capacité et leur physique.
La base du répertoire est le Reamker, version Cambodgienne du Ramayana Indien, transmis oralement depuis toujours. Quelques épisodes du Mahabharata et des légendes Cambodgiennes sont parfois aussi représentées, ainsi que quelques tableaux de danse pure.
Les personnages principaux du Ramayana, sont le prince Rama, et Hanuman, roi des singes. Il y a 4 types de rôles: princes et princesses (Neang et Nearyong, dansés par des femmes), les singes (Sva, antithèse et faire-valoir des précédents), et les yeaks ou géants (dansés par des femmes au physique robuste, portant un masque). Mais il y a d'autres danses, comme la danse de bienvenue, la danse du serpent ou la danse du bambou.

Le Ballet Royal garde, au Palais Royal, le rôle rituel d'offrandes aux mânes des souverains défunts. Les danses sont précédées de rites propitiatoires qui figent pour toujours le drame représenté et la chorégraphie qui l'accompagne.
Près de 3000 enfants suivent chaque semaine l'enseignement de la danse, initiés par les 19 maîtresses de Ballet ou par les étoiles actuelles. L'entraînement commence à 4 ans, et comporte des exercices d'assouplissement, d'élongation des doigts, pendant plusieurs années avant d'aborder le répertoire lui-même. Le Ballet royal a été proclamé chef d'oeuvre du patrimoine oral et immatériel de l'humanité en Novembre 2003 par l'Unesco.

apprenties danseuses


dans cette vidéo l'on peut voir les apsaras des temples d'Angkor, les danseuses, l'orchestre, des images de la guerre (khmers rouges), Bhupppa Devi sur scène et enseignant à des apprenties danseuses, les rites, les costumes cousus sur les danseuses, un spectacle avec les masques, et le ballet royal en tournée).



Pierre Lartigue, écrivain, a écrit: "La danseuse Khmère effleure le sol avec infiniment de précaution. Elle semble à peine y prendre appui. Vouée à l'envol, l'Apsara se meut dans un monde liquide, parmi des scintillements. Elle tangue et tourne comme une barque, le buste tendu comme figure de proue. Liane ou liseron d'eau, la tige volubile de la danse monte." ("le ciel dans l'eau, Angkor").




Dans ses traditions Bouddhistes, le peuple Cambodgien avait reçu une prophétie sur la fin du monde. "Lorsque le ciel deviendra rouge feu, lorsque de l'Orient à l'Occident il sera écarlate comme le banian (arbre) à l'automne, alors fuyez le pays car la fin du monde est proche". En 1973, le ciel devint rouge de l'Orient à l'Occident. Les Cambodgiens pensèrent à cette prophétie. Deux ans plus tard, les Khmers rouges prirent le pouvoir. Toute la population fut sommée de se rendre dans les campagnes. Pol Pot, théoricien du parti communiste, avait conçu le projet de réussir à construire la société communiste là où l'URSS avait échoué en éliminant auparavant tout ce qui était à priori l'ennemi du peuple. Bien entendu, les intellectuels, les moines Bouddhistes, les artistes, ...en moins de trois ans, les Khmères rouges tuèrent un tiers du peuple, parmi lesquels les danseurs de l'opéra. 720 000 personnes au moins disparurent.

La tradition Khmère était transmise oralement, de maître à élève. Les meurtres et les internements dans des camps ont failli causer la disparition de cet art millénaire. La danse Khmère fut donc miraculeusement préservée malgré les guerres, les conflits qui ravagèrent le pays.

Bhuppa Devi, ancienne danseuse et fille du roi Sihanouk, a décidé en 1979 de redonner vie au Ballet en rassemblant les souvenirs, les costumes, bijoux et masques que l'on avait pu préserver, parfois enterrés à des endroits secrets, ou enfouis dans la mémoire des rescapés. Et petit à petit, le Ballet amorça sa renaissance. Actuellement Bhuppa Devi est danseuse-étoile de la troupe du Ballet Royal, qui comporte aussi cinq premières danseuses, cinq hommes et dix-huit ballerines qui forment le corps de Ballet. Les maîtresses de ballet bénéficient d'un statut qui leur assure la sécurité. La troupe perpétue l'intégralité de ses fonctions traditionnelles. Participation aux rituels ancestraux, cérémonies en l'honneur des divinités protectrices du pays, réception des hôtes de marque, grandes fêtes du calendrier ancien, et tournées à l'étranger pour répandre l'art Khmer.

Les danses royales sont appelées "lokhon" au Cambodge. ("laku" est un mot dérivé du javanais qui signifie "marcher").




Le sculpteur Rodin réalisa 150 dessins des danseuses à Marseille, après sa rencontre avec le Ballet Royal à Paris, il les suivit, fasciné. En effet, en 1906, le roi Sisowath arrive en France pour l'exposition coloniale de Marseille. Le Ballet Royal l'accompagne, et se produit à Paris. Pour Rodin, qui assiste au spectacle, c'est une révélation. "Je les ai contemplées en extase. Quand elles partirent, je fus dans l'ombre et le froid, je crus qu'elles emportaient la beauté du monde". Il les suivra et leur demandera de poser pour lui.

L'orchestre de musique "pinpeat" est l'orchestre des danses royales et de la musique des pagodes. Il se compose généralement de deux roneat (xylophones à lames de bambou), de deux kong-thom (jeux de gongs horizontaux et circulaires), de skor-thom (gros tambours à peau de buffle frappés par un gros morceau de bois très dur), de chhing (petites cymbales en cuivre), d'un sampho (petit tambour horizontal dont l'exécutant dirige l'orchestre), et d'un sralay (hautbois), l'orchestre se rapproche du Gamelan Javanais (mais il y manquerait alors la flûte et la vielle). 24 musiciens et 10 choristes accompagnent la danse.


Le choeur de femmes commente l'intrigue, et souligne les émotions mimées par les danseurs. Ces derniers sont considérés comme des messagers des rois auprès des Dieux et des ancêtres.

7 commentaires:

Anonyme a dit…

vraiment génial , j'ai tout lu et regardé , que de poesie et de finesse !!!! merci pour ce post mon amie . je te souhaite un tres bon debut de semaine , bisous a toi ma belle . yepa

Anonyme a dit…

Je passais... mais je vais revenir, je savais pas qu'il yavait du nouveau.
Bises et bon début de semaine

madame musique a dit…

j'aime toutes ces danses d'Extrême-Orient,elles sont fascinantes, et j'aime les légendes du Ramayana aussi. Cela ne m'étonne pas que Rodin ait adoré. merci, bisous et à bientôt, yepa.
Ray, remets-toi, ce n'est qu'une machine. Loolll!!! j'écris depuis le mois de juillet, tu vas avoir des devoirs à faire...;-)

Anonyme a dit…

Hello Madame Musique , moi aussi je suis prof de musique dans un collège et j'ai beaucoup aimé ce travail sur les danses cambodgiennes.J'arrive du Laos et malheureusement on n'a pas pu voir de danses.Par contre j'en ai vu à Bali dans un autre style, plus dynamique c'était aussi très beau.J'aime beaucoup les vidéos que j'avais déja vu à la TV mais que je regrette de ne pas avoir enregstrés!!Bonnes fin de vacances .Je reviendrai voir ton blog.

Anonyme a dit…

coucou sylvie! nan! y'a des collègues qui bloguent? ;-)
je me souviens avoir vu un docu très bien fait sur le site de la cité de la musique. mais je n'ai pas réussi à le retrouver. Pour Bali il y a 5 vidéos dans l'autre site ("madamemusique") car nous sommes allés à l'atelier gamelan cette année. et bon, le bharata j'en ai fait 10 ans, alors dans le rayon danse y'a deux vidéos.
bonne vacances à toi itou, à +!

Anonyme a dit…

Bon, j'avoue, j'ai pas tout lu ... j'ai fait que regarder les images ...
;-)
C'est beau ! mais quand je vois le martyre des petites filles pour arriver à ça, je ne suis plus sûre d'autant apprécier ! Ca m'a fait penser aux pieds bandés des chinoises. Ca fait mal :-(

Anonyme a dit…

comme dans les pays d'Asie du Sud-Est en général, l'apprentissage se fait dès 4 ans. A ce que j'ai vu, c'est tout en douceur (le yoga n'est pas loin). Je peux en parler car j'ai moi-même beaucoup souffert, pour arriver à danser accroupie (aïe les genoux) et avoir la bonne position pour les mudras. Mais on est tellement transporté lorsqu'on danse, que l'on oublie tout çà. Il y a un côté élévation de soi dans ces danses qui donne beaucoup de courage et d'humilité. On a le sentiment d'être élu. merci d'être passée, mme de K.